Résurrection du Christ… et Covid 19

HIER…

La résurrection vient comme l’émergence de la vie dans la mort

1. Selon les Écritures Saintes, en ce Samedi saint, l’Ange a quelque chose à nous dire ! Pour commencer, voyons comment il est mis en scène. Il y a un tremblement de terre, et l’Ange ressemble à un éclair. Ce sont des signes eschatologiques, nous sommes donc à la fin des temps. De plus, l’Ange est assis sur la pierre, montrant la maîtrise absolue de Dieu sur la mort, qui est le signe de l’avènement de la fin des temps. Il porte un vêtement blanc, le même que l’on a vu briller le jour de la transfiguration. Sa descente du ciel est le mouvement même de l’Esprit Saint lors du baptême de Jésus. Ces éléments montrent que toutes les théophanies de l’Evangile sont convoquées. Mais l’Ange lui-même est un rappel. Nous l’avons rencontré en effet au début de l’Evangile. Cet Ange qui vient nous orienter vers la Galilée, est celui descendu à Nazareth annoncer la venue du Sauveur à un certain Joseph, charpentier de son état.

2. Mais aujourd’hui, l’Ange n’est plus une figure diffuse qui parle dans un songe. Il brille. Son éclat nous dit que la résurrection est l’événement vers lequel toute l’Ecriture converge, il signifie que la résurrection est la source de la lumière qui éclaire la Loi, les prophètes et toutes les écritures. Voilà qui peut nous rendre attentifs à certaines paroles de l’ange. « Il est ressuscité comme il l’avait dit », nous dit-il. Cette scène n’est donc pas dans l’ordre de la représentation, mais dans l’ordre de la foi ! Cela veut dire que ce message nécessite notre adhésion.

3. La résurrection nous provoque à prendre position. Il nous faut choisir à quel groupe nous voulons appartenir. Celui des soldats qui refusent de lire le signe du tombeau vide et sont comme morts d’avoir refusé le jaillissement de la vie, ou celui des saintes femmes, qui, toutes tremblantes, accueillent le signe et la parole qui leur sont donnés. Elles étaient en recherche devant le tombeau vide et elles ont finalement rencontré Jésus, le Vivant.

Ainsi, si la rencontre avec Jésus est si simple, si naturelle, et presque anodine (elle ne tient que deux versets à la fin de l’Evangile), c’est parce que la foi nous rend accessibles les réalités que nous cherchons. « Je vous salue », dit Jésus, montrant ainsi qu’il nous a définitivement acquis la familiarité avec Dieu que nous avions perdue.

Il n’est pourtant pas question de s’attarder avec le Maître, de le maintenir près de nous : il nous invite à courir annoncer la Bonne Nouvelle. « Vite » nous dit l’Ange. Il y a urgence, nos frères et sœurs de toutes « nos Galilées d’aujourd’hui » (lieux de vie) doivent savoir, attendent l’aurore de ce jour où l’on peut enfin crier : « Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! ». C’est ce que nous proclamons le jour de Pâques.

AUJOURD’HUI …

La résurrection vient comme l’émergence de la vie dans la mort

4. La discrétion de Dieu nous pousse à agir.
Elle laisse la place à notre responsabilité pour que se lèvent des forces créatives qui n’auraient pas vu le jour autrement.
Le silence de Dieu tout-puissant devant le covid-19 est un signe qu’il nous veut autonomes et qu’il désire que nos poussions nos limites pour grandir « à tous égards avec lui » (Eph. 4,15).
Il nous a dotés d’instinct de survie et de facultés cognitives.
Au demeurant, même si nous tardons à trouver des remèdes, Dieu demeure « un être éternel doué de sagesse et de puissance », comme aime le désigner Isaac Newton.

« Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! » dans le contexte actuel du covid-19, c’est une invitation. Nous ne devrons pas revenir en arrière lorsque ce moment sera passé.
Comme le Saint Père nous y a exhortés, le vendredi Saint : « ne laissons pas passer en vain cette occasion. Ne permettons pas que toute cette souffrance, tous ces morts, tout cet engagement héroïque du personnel médical aient été vains ». C’est là un fruit positif de cette crise sanitaire.

« Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! » dans le contexte actuel du covid-19, c’est une nécessité de survie. Les dégâts provoqués dans l’économie mondiale par cette pandémie se généralisent, engendrent une crise économique qui est aussi régulièrement comparée à celle de 1929. Le covid-19 est le signe des limites d’une certaine toute puissance, une expérience de l’altérité épistémologique. En d’autres termes, pour reprendre les mots du paléoanthropologue Pascal Picq, le covid-19 « a émergé au cœur d’une civilisation qui méprise la nature ». Le confinement, mesure inédite pour gérer une crise sanitaire, produit un mélange d’accélération des signes du changement écologique et de ralentissement de l’activité économique qui est propice à la réflexion fondamentale sur notre mode de développement.
Toutefois, je pense que la plus grande récession à craindre, c’est la récession anthropologique, la paupérisation anthropologique, c’est-à-dire tout en gardant l’apparence humaine, nous devenons de moins en moins humains. La crise du coronavirus, « une occasion à saisir pour changer notre mode de vie »

« Jésus est ressuscité ! Venez et vous le verrez ! » C’est dire qu’une catastrophe planétaire majeure peut servir de déclic pour une mutation durable de notre société vers plus de solidarité entre les peuples et un recentrage sur l’humain. Ce sera là une vraie résurrection, une manière de re-susciter notre humanité. « Voilà notre foi, voilà notre espérance : au milieu du coronavirus (…), alors même que la croix est présente pour chacun de nous, quoique à des degrés différents, le Christ ressuscité a déjà manifesté sa victoire et demande désormais que nous lui fassions confiance en tout » (Thierry
Brac De la Perrière, Evêque de Nevers).

Que l’Evangile soit annoncé en acte et que l’humanité en soit illuminée de douce joie, d’espérance, de résurrection.

Amen !

 

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Humble pour recevoir l’amour de quelqu’un d’autre

Cette année, l’épidémie de Covid-19 nous oblige à vivre autrement ces jours saints et l’évolution des conditions sanitaires nous contraint le plus souvent de les vivre sous une forme réduite à une liturgie domestique. Le confinement c’est un apprentissage, il faut habiter le temps, le vivre dans l’instant et ne pas le laisser couler de manière difforme. Et, Dieu se donne dans l’instant présent, même en temps de crise ! L’absence de rassemblement sera d’autant plus vive que la Semaine sainte est l’occasion de suivre le Christ en communauté ecclésiale. Cette situation particulière ne nous dispense pas de
regarder Jésus aller jusqu’au bout.

Observons ce qui se passe le soir du jeudi… Ce soir, la table est prête… Repas de retrouvailles…
Table dressée pour la fête… Repas de l’amitié… Jésus partage avec ses amis son dernier repas.
Parvenu au seuil de sa mort, Jésus le leur dit. Mais que comprennent-ils de ces paroles étranges et symboliques ?

1. Quelques mots, un peu de pain, un peu de vin.

En un instant, tout est dit, tout est donné, tout est joué. Jésus s’est livré. Jusqu’au bout de l’amour.
Ceux qui lui étaient fidèles depuis si longtemps commencent à s’étonner de ses paroles et de ses gestes. Mais parce qu’il les aime jusqu’au bout, Jésus se livre. Il se donne pour l’humanité entière. Le pain rompu et le vin versé crient à la face du monde un Amour dont Dieu seul est capable. Une vie est donnée, livrée pour le salut du genre humain. Quelques mots, quelques gestes donnent déjà vie et espérance à ceux qui sont là autour de la table. « Faites cela en mémoire de moi » … des mots, des gestes qui donnent vie à un à deux, à une communauté. Même si la croix ne peut plus être évitée,
l’avenir n’est pas à la mort. Il est déjà à la naissance.

2. Dieu aime. Et son amour est tel qu’il va jusqu’à s’abaisser.

Il se fait serviteur des Serviteurs. Pierre ne peut imaginer que Dieu aille aussi loin. Jésus se lève pour laver les pieds de ses amis. C’est un Service gratuit. Jésus n’a pas demandé la ‘permission’ d’être humble et de servir.
La question de Pierre, « Maître, vas-tu me laver les pieds ? » ne vient pas comme une demande, plutôt comme la résistance qui reconnaît ce que Jésus s’apprête à faire. Est-ce que l’humilité et l’amour ont besoin de notre ‘permission’ ?
La véritable question de fond est la suivante : qui est assez humble pour recevoir l’amour de quelqu’un d’autre ? Suis-je assez humble pour recevoir l’amour de Jésus pour moi ? L’humilité et la charité de Jésus purifient. En fait, l’attitude de Pierre précisément, « Tu ne me laveras pas les pieds, non jamais, » n’est pas pure.
Je crois que seuls les purs en esprit, les cœurs purs, celles et ceux qui ont un cœur d’enfant entreront dans le Royaume des cieux : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Que le Christ me lave, donc, par son exemple plein de grâce de tout orgueil, de toute impureté d’intention.
Je pense spontanément à toutes celles et tous ceux qui rendent possible l’impossible. Ils sont les « héros en blouse blanche » qui rappellent notre habit baptême dans la guerre contre le Coronavirus.
Chaque jour, nous voyons l’action, nous recueillons la parole des soignants par exemple. Qu’ils/ellessoient infirmier-ères, médecins, aide-soignant(e)s, internes, assistant(e) de soins hospitaliers, aides à domiciles, agents d’entretiens, caissiers ou caissières, chauffeurs de transports en commun, la liste est longue… Aucun n’aurait pensé un jour traverser une telle crise sanitaire. Jour après jour, ils sont dans l’action pour sauver des vies, pour rendre la vie possible ou supportable, rendre possible, l’impossible. Une infirmière me confiait : « Je pense qu’on n’a pas encore vu tout ce que le virus
pouvait faire. ». Un interne ajoutait : « (…) Mais à part que j’ai les mains toutes abîmées, à force de les laver toute la journée, ça va ! (…) ». Heureusement que cela finira avec la grâce de Dieu. « Nos habitudes ont forcément changé un petit peu. Déjà, on porte tous des masques tout le temps. En salle de pause, on ne doit pas être plus de quatre… Tout ça, c’est un peu bizarre mais je pars du principe que c’est temporaire et que tout finira par rentrer dans l’ordre (…) », me confiait un médecin.

3. Avec le Jeudi saint, je ne peux passer sous silence cette autre parole-clé de Jésus. « Faites cela en mémoire de moi. »

Logique de l’amour qui se livre. Invitation à faire de chacune de nos vies une offrande. Alors nous comprendrons peu à peu le don de Dieu à son peuple. Si je suis un disciple, je dois faire attention à apprendre la leçon. Jésus demande : « Vous rendez-vous compte de ce que j’ai fait pour vous ? » On comprendrait mieux si Jésus avait demandé à son serviteur de lui laver les pieds, et non le contraire. Jésus est Seigneur et maître ; il est le Bon Maître. Je suis son disciple.
Néanmoins il a démontré son autorité non pas en exigeant l’obéissance par la force, mais plutôt en révélant le pouvoir de la vertu : l’humilité et la charité – et leur capacité d’enseigner et de persuader.
« Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. »
Il m’a donné un modèle à suivre, afin que j’aille faire de même. Le don de notre vie ne peut se comprendre que dans le don total que le Christ fait de lui-même. C’est le mystère de ce don que nous apprenons chaque jour en étant prêtre au milieu et avec le peuple. C’est vivre aussi pleinement dans notre société en pleine mutation et en quête de sens. La liberté intérieure peut être anéantie par la vacuité d’Internet et les réseaux sociaux tout comme par l’absence de discipline.

C’est le mystère de ce don que toute l’EGLISE est invitée à contempler dans la nuit de ce jour. Car tu nous as choisis pour servir en ta présence ! L’autre besoin que ce confinement met en exergue, c’est le besoin essentiel pour les hommes d’être en communion. Le confinement touche à notre désir de sociabilité, un désir qu’il faut également cultiver. C’est dans cet esprit que nous célébrons, je crois, cette semaine sainte à domicile, dans la paix du cœur et la tranquillité de l’esprit.

Amen !
09/04/2020
P. Aubin

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Une semaine sainte particulière dans un monde particulier

J’aime bien le jour des Rameaux. Les églises se remplissent plus que d’habitude. De nombreuses personnes qui pratiquent peu se sentent aujourd’hui invitées et accueillies. Tous ces branchages, que nous agitons, donnent un air de fête. Nombreux parmi nous mettrons ces branchages en évidence dans nos maisons, ou en porterons à des amis, des malades, ou encore irons en déposer sur les tombes. Ces rameaux nous relient à tant d’autres personnes !

Ceux qui jugent la foi de l’extérieur pensent, voir là, une superstition. Mais ils n’ont rien compris du rapport entre le signifiant et le signifié ! Les chrétiens, eux, savent que ces Rameaux n’ont de sens que parce que nos cœurs et nos regards sont déjà tournés vers la fête de Pâques, dans une semaine, et la joie de la résurrection de Jésus-le-Christ. C’est comme si nous marchions aujourd’hui encore de nuit, mais nous nous soutenons les uns les autres pour parvenir à la lumière du matin promis, le matin de Pâques.
Pourtant, je dois reconnaître que la marche ne sera pas si facile pendant la semaine qui vient. Déjà, ce Carême 2020 rime avec confinement… Comme tout le reste de la société, l’Eglise Catholique a dû s’adapter à l’épidémie du coronavirus et aux mesures de confinement… La messe des Rameaux et les cérémonies de la semaine sainte rimeront avec cyber-eucharisties, YouTube… Faut-il déjà penser aux confessions individuelles
ou aux célébrations pénitentielles avec l’application zoom ? Peut-être, faut-il penser à une pastorale des Tweets ? Je m’interroge !

Avec la messe des Rameaux, une autre chose est bien dure aujourd’hui, c’est la lecture de la passion de Jésus. Nous entendons encore ce témoin de la mort de Jésus, au pied de la croix : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de ta croix ! » Pourquoi la parole d’amour est-elle clouée sur le bois de la croix ? Pourquoi faut-il que Jésus souffre ? Pourquoi faut-il que Dieu, par Jésus son Fils, passe par le rejet le plus total et par la mort ?

Je crains de ne pas avoir de réponse. Dieu, ici, nous entraîne au-delà de nos raisonnements ! Essayons cependant de trouver une voie ! Nous sommes là, nous, confrontés au Covid-19. « Ça arrive « bien » pour nous car le Carême est une phase de retrait pour le chrétien : il doit concéder des efforts personnels de bienveillance, de partage, de solidarité… et le confinement actuel nous contraint à ces efforts. C’est le moment de consacrer du temps à ses proches, à la lecture… et c’est moins difficile en cette période particulière » affirmait une chrétienne.

Depuis des semaines, la nuit semble tomber. Partout dans le monde sans exception, d’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, dans les attitudes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus… l’ombre de
la mort est omniprésente. «Comme les disciples de l’Evangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement» (le pape François).

Tout comme les disciples, nous pouvons nous sentir «perdus» et surpris par l’attitude de Jésus dans cette scène de l’Évangile : «Malgré tout le bruit, il dort serein, confiant dans le Père – c’est la seule fois où, dans l’Evangile, nous voyons Jésus dormir –. Puis, quand il est réveillé, après avoir calmé le vent et les eaux, il s’adresse aux disciples sur un ton de reproche : ‘’Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc.4, 40).

Je crois que de même que la passion et la mort de Jésus nous rappellent qu’il a donné sa vie afin de nous la partager et ainsi nous sauver ; de même cette épisode humaine du Covid-19 nous rappelle notre paupérisation anthropologique, nos propres fragilités et nous conduira inexorablement vers la fin progressive du confinement et le retour à la vie normale, qui ne sera plus comme avant.
De même que « ce ne sont pas les clous qui retiennent le Christ sur la croix », comme l’écrivait Catherine de Sienne, mais l’amour ; de même ce sont « les gestes qui sauvent » qui nous aident à soutenir la mission de celles et ceux qui se battent pour sauver des vies au détriment de la leur.
Je crois qu’avec sa résurrection, Jésus-Christ montre que la vie l’emporte sur la mort. La foi chrétienne consiste à ne jamais nier la mort. Elle consiste à ne pas nier le péché mais à l’affronter avec la force que Dieu nous donne. Avec Jésus passer la mort, tel est notre programme ! Dans notre prière, nous demandons à Dieu moins d’effacer que de porter avec nous ! Amen !

05/04/2020
Père Aubin M.

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Homélie du Dimanche 27 octobre 2019 

30ème dimanche ordinaire Année C

 

  • 1ère lecture : « La prière du pauvre traverse les nuées » (Si 35, 15b-17.20-22a)
  • Psaume : Ps 33 (34), 2-3, 16.18, 19.23 Un pauvre crie ; le Seigneur entend.
  • 2ème lecture : « Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » (2 Tm 4, 6-8.16-18)
  • Evangile de Jésus-Christ selon Saint Luc 18, 9-14 « Le publicain redescendit dans sa maison ; c’est lui qui était devenu juste, plutôt que le pharisien 

 

Frères et sœurs, cette parabole du pharisien et du publicain, nous la connaissons bien. Elle a marqué notre conscience, nous a révélé quelque chose dans notre relation à Dieu et aux autres, nous a réveillés, nous a éclairés. Mais voilà, peut-être, nous nous sommes habitués… ou nous ne savons plus trop quoi faire de cette parabole. Alors, comment avoir ou garder un regard neuf ? Et une écoute neuve, presque naïve, de cette parabole paradoxale ?

Tout d’abord, un pharisien. C’est quelqu’un de bien, quoi que nous en pensions souvent. Un pharisien cherche à mettre la parole de Dieu au cœur de sa vie, il veut prendre au sérieux l’amour de Dieu et du prochain, il veut faire des œuvres bonnes et il rend grâce. Il y a quelque chose d’admirable dans ce renouveau de la foi juive qu’on appelle le courant pharisien. N’allons pas trop vite aux caricatures : sans doute, certains pharisiens ont été étroits d’esprit ; peut-être, certains, hypocrites ; et, en tout cas, celui de la parabole semble méprisant envers les autres. Mais avant de voir les défauts, admirons l’élan spirituel du courant pharisien et laissons-nous appeler par cet élan : cherchons-nous à mettre la parole de Dieu au cœur de notre vie ?

Prenons-nous au sérieux l’amour de Dieu et du prochain ?

Rendons-nous grâce pour les dons et les appels reçus ?

Pendant mon « service militaire » à Brazzaville dans mon Congo natal, il y avait un homme, ancien combattant en Angola, qui disait aux « cadets de la révolution que nous étions » : « sois un homme de valeur ! Deviens un homme de valeur ! ». (C’était le discours marxiste de l’époque). Il le disait à la fois avec humour et sérieux, et avec beaucoup d’amitié et de chaleur humaine. Il appelait les jeunes au meilleur d’eux-mêmes, au meilleur de l’humanité. Et sans doute, dans nos existences, nous nous souvenons de ceux qui ont su nous appeler au meilleur de nous-mêmes, qui nous ont invités à la justice, à la bonté. Ils nous ont éveillés à un idéal et des valeurs qui, sur certains points, ne sont peut-être pas très différents de ceux du courant pharisien.

Et puis il y a aussi les tentations de l’existence humaine : le mélange douteux du pouvoir et de l’argent, les médiocrités, les compromissions, et bien d’autres tentations encore. À travers la figure du publicain, ce sont toutes ces compromissions, toutes ces zones plus ou moins grises, toutes ces petites ou grandes injustices qui nous sont présentées. Les publicains ne sont pas aimés et on comprend pourquoi.

Alors, sur ce fond, la parabole de Jésus fait choc. Elle fait apparaître ce qui était caché, elle invite à changer le regard, elle nous appelle dans toutes les dimensions de notre être.

– Il y a déjà un enseignement pour le pharisien qui est en nous : être un homme de bien, devenir un homme de valeur, oui, c’est une bonne chose. Mais entendons cet appel sans entrer dans une sorte de mépris pour les autres. Sans vouloir attribuer à notre mérite les petits succès sur ce chemin. Et en gardant l’ouverture du cœur !

– Il y a aussi un enseignement pour le publicain en nous : ce qu’il y a de gris en nous, et même ce qu’il y a de noir, toutes nos complicités avec le mal, venons les présenter au Seigneur, avec vérité et humilité : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! » pouvons-nous dire avec le publicain de la parabole.

– Et cela vaut pour notre regard sur les autres. Il y a en eux comme en nous à la fois du pharisien et du publicain. Nous voyons les défauts des autres, et souvent nous ne les voyons que trop bien… Nous avons, de plus, à nous situer par rapport aux actes et aux circonstances, et donc nous avons à peser les situations, à les jauger, parfois à les juger, afin d’agir pour le mieux. Mais nous ne voyons pas les cœurs. Nous ne pouvons ni ne devons juger les cœurs. Cela appartient à Dieu seul, lui qui renverse les apparences et qui est toute miséricorde. Lui qui seul peut rendre juste et donner la justice véritable. Lui qui seul peut ouvrir les cœurs.

En ce dimanche, frères et sœurs, la parabole de ce jour éclaire bien cette mission de l’Église : il s’agit de permettre à toute femme, à tout homme dans le monde entier, et à chacun de nous, de sortir de soi et d’ouvrir son cœur à la lumière de l’Évangile et à la miséricorde de Dieu. Tous, nous sommes appelés à vivre de la bonté et de la justice de Dieu. Tous, nous sommes appelés à accueillir son pardon et sa miséricorde. Tous, nous sommes appelés à en témoigner, à la manière de saint Paul, qui peut dire dans l’épître de ce jour : « Le Seigneur m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. »

Frères et sœurs, il ne s’agit donc pas seulement de prier et d’agir pour les missionnaires dans d’autres pays. Il s’agit de devenir, chacun à notre manière, missionnaires de l’Évangile, porteurs de la Bonne Nouvelle du Christ. « En effet, nous dit le pape François au cours de la Journée missionnaire mondiale en 2016,  nous sommes tous invités à “sortir”, en tant que disciples missionnaires, chacun mettant au service des autres ses propres talents, sa propre créativité, sa propre sagesse et sa propre expérience en ce qui concerne l’annonce du message de la tendresse et de la compassion de Dieu à l’ensemble de la famille humaine. » Et il ajoute un peu plus loin : « Nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. » (Message du pape François pour la 90ème Journée Missionnaire Mondiale). Notre monde aujourd’hui, un monde en pleine mutation, a besoin d’une « Eglise-en-sortie ».

Amen !

 

P.AM

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3° dimanche de Pâques

La liturgie de ce 3° dimanche de Pâques oriente notre regard vers Jésus ressuscité. Aujourd’hui, nous sommes tous des contemplatifs, invités à nous émerveiller devant « celui que Dieu, par sa puissance, a élevé en faisant de lui le Chef et le Sauveur » (Première lecture). La deuxième lecture nous fait partager une vision de Saint Jean, celle d’un monde céleste tourné tout vers Dieu  et vers le Christ pour célébrer leur gloire. A notre tour, nous sommes invités à joindre nos voix à celles des anges pour proclamer la gloire de l’Agneau vainqueur sauveur de toute l’histoire humaine ; l’œuvre de Dieu est accomplie en Jésus, qui l’a réalisée.

L’Évangile de ce jour est au dernier chapitre de Jean. L’histoire repend son cours, avec ses bons jours et ses mauvais jours, avec ses bonnes pêches et ses mauvaises pêches. Les hommes qui s’étaient arrachés au lac et à leurs filets pour suivre Jésus sont de retour, sur la rive. Pierre mène le groupe. Le temps est aux vieilles habitudes et les pêcheurs retrouvent leur métier. Comme si rien n’avait été, comme si rien n’avait changé. Ils reprennent leur barque et ils reprennent le large. Au sortir de la nuit, au petit matin, alors qu’ils reviennent bredouilles de la pêche, un inconnu les interpelle depuis le rivage.

Le triple enseignement de ce récit

Enseignement 1. Jésus s’intéresse à eux, à leur besoin, à leur faim. « Avez-vous un peu de poisson ? ».

Et l’inconnu se mêle de leur vie et de leur métier. « Jetez le filet à droite ».Il en faut une dose de confiance pour jeter une fois de plus le filet. L’inconnu les appelle à une disponibilité physique, et par là même à une disponibilité intérieure. C’est au cœur même de leur métier, que Pierre et ses compagnons font l’expérience spirituelle de la puissance du Christ qui les saisit et rend leur pêche fructueuse[1]. L’avenir s’ouvre grand « C’est le Seigneur ! » s’écrit Pierre avant de se jeter à l’eau. Notre vie quotidienne est le lieu de la rencontre avec Dieu. Plutôt que d’être un « problème », le Ressuscité est une « solution ». Il re-suscite un espoir, une espérance, il fait revivre, comme dans nos vies !

Enseignement 2. Lors de la première pêche miraculeuse, Jésus avait dit à Simon-Pierre : « Ne crains point, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » (Lc. 5, 10) Le Seigneur assimilait ainsi les hommes, les femmes, de toutes races et de toutes nations, à ces poissons que Pierre venait de pêcher. Cette assimilation fut telle que, dès les premières années du christianisme, le symbole du poisson était le moyen caché pour signifier son appartenance au Christ. De siècle en siècle, cette assimilation perdura jusque dans cette appellation de l’anneau qui sert au Pape pour sceller ses décrets et ordonnances : l’Anneau du Pêcheur (la bague que porte Tout souverain pontife et qui est détruite à sa mort)

Enseignement 3. Sans équivoque possible, les poissons que Simon a pêchés avant comme après la résurrection du Seigneur, ce sont bien des hommes et femmes, du moins d’une manière symbolique, mystique ! Si donc le filet ne s’est pas rompu après la résurrection, c’est pour nous montrer que tous les hommes, toutes les femmes capturés par Simon-Pierre sont et restent bien unis ensemble, par la volonté du Seigneur, qui a ordonné cette pêche miraculeuse.  Par la grâce de la mort et de la résurrection du Christ, c’est-à-dire par notre baptême en sa mort et en sa résurrection, nous, Chrétiens, vivant dans la présence mystérieuse de Jésus nous sommes appelés par Pierre à vivre dans l’unité de la foi, de l’espérance et de la charité ! S’il y a une grâce de la Résurrection, c’est bien celle de l’unité de tous les Chrétiens ! Et s’il y a bien un signe non-équivoque qui nous annoncera le Retour de Jésus ressuscité, ce sera bien la réalisation parfaite de l’unité de tous ceux qui sont au Christ et qui demeurent en Lui, et Lui en eux : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt. 28, 20)

Le signe du Ressuscité

L’évangile est le récit d’une apparition, ou plutôt d’une manifestation, de Jésus ressuscité. Le disciple que Jésus aimait est le premier à reconnaître le Maître, et Pierre se jette à l’eau pour rejoindre plus vite le Seigneur.  Et voici les signes de la présence du ressuscité : « le filet plein de poissons », « le repas prêt », « le pain partagé » …. Tout se passe dans la proximité et la discrétion. Le poisson déjà préparé sur la braise et le poisson apporté de la pêche se rejoignent pour le repas qui rassemble Jésus et ses disciples : ce repas scelle une alliance. Lorsque à notre tour nous prendrons place à la table du Seigneur, nous nous rappellerons que nous avons, comme les Apôtres, à être ses témoins. L’Évangile se termine sur cette parole du Seigneur. « Suis-moi ». C’est à nous que cette parole est adressée aujourd’hui.

« Suis-moi ». C’est un appel qui reste d’actualité. C’est « en suivant Jésus » que l’on apprend à le connaître : le baptisé n’a pas d’abord besoin « d’étudier les choses » mais « d’une vie de disciple » : « suivre Jésus : avec ses propres vertus, avec ses péchés aussi, mais toujours suivre Jésus », affirme le pape François lors de la messe du 20 février 2014, à la Maison Sainte-Marthe. Il lui faut « rencontrer quotidiennement le Seigneur, tous les jours, dans les victoires et les faiblesses ». C’est « un chemin que l’être humain ne peut pas faire seul » : Connaître Jésus est un don du Père, une œuvre de l’Esprit Saint, qui est un grand travailleur. Ce n’est pas un syndicaliste, Ce n’est pas un « gilet jaune », moins encore un « black block ». L’esprit-Saint est un grand travailleur et il œuvre en l’homme, toujours. Il explique le mystère de Jésus et donne le sens du Christ.

Puissions-nous prêter attention à notre vie, et, à la manière de Pierre, nous jeter à l’eau. « Seigneur, tu sais bien que je t’aime. ». Vivant avec toute l’Eglise, et notamment avec Pierre et les Apôtres, la Très Sainte Vierge Marie est là pour aider tous ceux qui sont ses enfants ! Si le Christ est là, parmi nous avec son Esprit, pourquoi Marie, Celle qui est l’Épouse de l’Esprit-Saint, ne serait-elle pas mystérieusement présente elle aussi avec nous et parmi nous ? Prions-La avec ferveur, afin que la grâce de la Résurrection du Seigneur se répande toujours davantage sur l’Eglise et sur le monde entier !

 

[1] Cette apparition de Jésus est caractéristique, car il s’agit ici d’une scène qui eut déjà lieu avant la mort et la résurrection du Seigneur. Rappelons-nous en effet cette autre pêche miraculeuse : « Jésus dit à Simon : « Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour pêcher.» Simon lui répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre ; mais à ton ordre, je jetterai les filets » L’ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons ; mais leurs filets se déchiraient ». (Lc. 5, 4-6 – Voir l’homélie pour le cinquième dimanche dans l’année, Année C) Mais ces deux pêches miraculeuses diffèrent entre elles, car, de l’une à l’autre, Jésus, le Seigneur, est mort et ressuscité !

 

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Vivre le dimanche des Rameaux au cœur de la crise sociale des « Gilets-jaunes »

Le Carême touche à sa fin. Pâques et la semaine sainte se profilent à l’horizon.

La foule est versatile : tantôt elle acclame, tantôt elle condamne. La voici qui applaudit Jésus aux portes de Jérusalem ; la voilà qui, quelques heures plus tard, réclame sa crucifixion… Cette foule, c’est l’image de l’inconstance de l’âme humaine qui accueille son Sauveur mais qui, à la première difficulté, l’abandonne aux bourreaux !

Au long des siècles, l’être humain a toujours été incertain, c’est une marque de sa finitude, avouons-le : nous sommes, nous aussi, si souvent dans l’un et l’autre rôle. Nous louons et acclamons notre Seigneur et puis nous l’oublions, nous le renions. Dieu, toujours dernier servi.

La foule a mille et un visages et autant de comportements différents, difficiles à synthétiser en une seule image. C’est pourquoi elle intéresse désormais les scientifiques, qu’ils soient biologistes, physiciens, mathématiciens, informaticiens, anthropologues, sociologues, juristes, psychologues… En croisant leurs travaux, tous veulent comprendre comment ça marche, une foule, même lorsqu’elle ne marche pas.

D’un point de vue théorique, on appelle « foule » toute multitude de personnes rapprochées les unes des autres. Concrètement, une foule est une créature bizarre, mouvant, protéiforme, qui vit dans les transports en commun aux heures de pointe, dans les stades de football les jours de matchs, dans les galeries commerciales au moment des soldes, ou bien encore dans les grandes avenues en certaines occasions plus ou moins manifestatives, comme les manifestations des « Gilets-jaunes ».

La foule a un côté obscur, parfois terrifiant, qui se montre lorsqu’on lui fait peur, lorsqu’on la frustre ou lorsqu’elle n’a pas assez d’espace pour se déplacer. Elle peut chanter, danser, puis, d’un seul coup, se mettre en colère et tout casser. C’est le cas comme aujourd’hui des « Gilets jaunes ». Dans ses derniers jours, Raymond Queneau parlait d’une « foule qui se marchait sur les pieds, s’enfonçait les côtes à coups de coude, se crachait dans le dos ; d’une foule ronchonne, ténébreuse, », ce qui veut dire, je crois, « agitée » … Mais la foule peut aussi manifester une sorte d’intelligence collective, émettre des jugements, faire des choix plus ou moins judicieux, par exemple décider des chanteurs qu’il faut aimer ou des plages qu’il faut fréquenter.

Revenons au récit de la passion… Nous avons déjà lu à plusieurs reprises le texte de la passion de Jésus. Très souvent nombre de théologiens affirme que ce récit de la Passion nous montre l’affrontement de deux mondes. Jésus vit dans le monde de la lumière et de la vérité, de la justice et de l’innocence, de la liberté, de l’amitié et de la prière. Il s’affronte au monde que nous ne connaissons que trop : le monde du mensonge et de l’hypocrisie, de la lâcheté et de la trahison, de la violence et du meurtre. Au contraire, je pense que ces deux mondes ne sont pas séparables, ils s’entremêlent. Il est donc plus sage de présenter ces deux mondes de façon dichotomiques certes, mais non contradictoires, non simultanés. Notre monde est complexe et c’est ce qui s’exprime aussi dans le comportement de la foule parfois sans chef, sans parti politique sans accointance syndicale.

Le Carême touche à sa fin. Pâques et la semaine sainte se profilent à l’horizon. Puissions-nous vivre des jours plus calmes, plus apaisés, ce qui correspondrait bien à la joie pascale.

Aubin.

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5°dimanche de carême

 C’est simplement une méditation que je nous propose à partir de ce texte. On entend régulièrement dire que la méditation est utile, qu’elle est saine et que c’est un bon exercice. Elle développe en chacune et chacun les meilleures qualités et offre un accès à une conscience profonde et à une connaissance poussée de soi.

Lisons le texte !

Saint Jean 8, 1-11

Jésus s’était rendu au mont des Oliviers ; de bon matin, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en train de commettre l’adultère. Ils la font avancer, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il traçait des traits sur le sol. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Et il se baissa de nouveau pour tracer des traits sur le sol. Quant à eux, sur cette réponse, ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme en face de lui. Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Alors, personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

 

Quelques points de méditation

  1. Quelle justice pour le pécheur ? La femme de ce récit a été condamnée, en théorie et en pratique. La loi exige son exécution ; les Pharisiens étaient sur le point de l’imposer. Il n’y avait aucun espoir de libération, ni morale ni physique. Elle n’avait aucun endroit où se cacher, aucune chance de s’échapper-il ne lui reste plus que sa vulnérabilité, causée par le péché et exposée par l’hypocrisie impitoyable des pharisiens. Cette femme illustre de manière dramatique ce qui nous arrive à tous, de manière moins dramatique. En fin de compte, nous sommes tous pécheurs. Tous, nous souffrons de la vulnérabilité causée par le péché. Nous nous sentons peu sûrs et nous cherchons instinctivement à nous cacher derrière de fausses sécurités. Le pire est lorsque, conscients de notre péché, notre propre tendance pharisaïque nous condamne sans espoir de rachat, alors que nous cherchons à nous disculper en cherchant des torts chez ceux qui nous entourent. Nous finissons par nous lapider nous-mêmes, et les autres aussi, au lieu de simplement nous tourner vers le Christ. Voici le moment de vérité : ou accepter le seul rachat possible : lâcher prise et laisser Jésus-Christ nous montrer le chemin – ou bien nous réfugier dans notre égoïsme en espérant que la situation ne soit pas aussi mauvaise qu’elle n’y paraît. L’humilité est le seul chemin vers le rachat, l’humilité face à notre propre péché et face au péché des autres.
  1. Des traits sur le sol. Jésus nous aide à trouver les réponses en éclairant les profondeurs de notre âme. Il confronte la réaction superficielle, immédiate et justicière des pharisiens. Il les invite à aller au plus profond de leurs consciences pour trouver la réponse à leur question hypocrite : ‘Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? ‘ Le Christ reste silencieux. Il attend que les passions se calment. Il écrit sur le sol et puis il élucide une question que seulement le Fils de Dieu pourrait donner :  » Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Le Christ nous enseigne avec douceur à abandonner nos réactions de surface, immédiates et souvent pharisaïques face à nos propres péchés et celui des autres pour adopter une attitude de prière, de réflexion et de docilité qui nous laisse réceptifs à son enseignement.
  1. L’absolution et la conversion. Faire l’expérience de notre faiblesse est nécessaire avant de pouvoir recevoir la miséricorde du Christ. Plus l’expérience de notre néant est profonde, plus notre expérience de la pitié du Christ sera profonde. Il n’y a aucune expérience plus douce, ou de joie plus profonde, que l’absolution donnée par le Christ Rédempteur : «  je ne te condamne pas. » Nos craintes les plus profondes disparaissent et nous nous rendons compte que nous sommes en fait hantés par des fantômes crées par notre propre fierté et vanité. Réveillons-nous à la réalité de la miséricorde de Dieu.

Prière : Seigneur, que la connaissance de mon péché et de mon impuissance m’incite à chercher refuge en ta miséricorde. Tu es le seul à rester près de moi aux heures sombres de mon existence. Tu m’as prouvé que tu es mon seul vrai ami.

Résolution Aujourd’hui, je ferai preuve de compassion dans mes pensées envers les autres.

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3°dimanche de carême

Les menaces de Dieu dans la Bible sont de pressants appels à la conversion. Mais saint Luc préfère insister sur la miséricorde et souligner la bonté du vigneron qui invite le maître de la vigne (1) à la patience: “Laisse-le encore cette année…”

Mais la conversion est toujours urgente : il ne faut surtout pas se laisser endormir. Ici, ceux et celles qui ne se retourneront pas vers Dieu périront comme les acteurs des deux épisodes cités. Les deux fois, Jésus répète la même phrase: “Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux.” C’est la règle des paraboles du jugement, et en particulier, de celle d’aujourd’hui.

L’historien Philon nous a décrit Pilate comme «inflexible, impitoyable et obstiné »; de l’an 26 à 36, il imposa son autorité par la violence, puis il fut exilé en Gaule.(2) Si l’affaire des Galiléens massacrés près de l’autel des sacrifices n’est pas mentionnée par les historiens, elle est plus que vraisemblable. De son côté, Jésus n’appuyait pas les zélotes dans leur lutte contre Rome: son message est resté clair et bien centré: “Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle” (Marc 1, 15).

Saint Luc ajoute un deuxième fait divers inconnu des historiens : dix-huit personnes de Jérusalem sont mortes dans l’effondrement de la tour de Siloé. Mais comme dans le récit de l’aveugle-né, en saint Jean 9, 2-3, où Jésus expliquait que “ni lui, ni ses parents n’ont péché pour qu’il soit né aveugle”, il affirme ici qu’aucune d’elles ne fut victime de châtiment. Dieu ne cherche pas à punir mais à relever. Cependant, chacun est responsable de ses décisions et de ses imprudences comme l’indique l’ensemble des paraboles du jugement.

Pour se défaire aujourd’hui de complexes de culpabilité, on aime croire que la responsabilité devant Dieu diminue, qu’il nous comprend toujours et que chacun doit choisir librement sa voie. À la fin, affirme-t-on souvent, tout finira bien par s’arranger puisque tous seront sauvés, quelles que soient leurs décisions.

Tel n’est pas l’enseignement de la parabole du figuier ni de l’évangile. Le vigneron compatissant, plein d’attention et d’amour pour sa vigne, c’est bien le Jésus que nous aimons. Mais il reprend ici avec force le message de Jean Baptiste: “Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion” (Luc 3, 8).  Puissions-nous de ne pas abuser de la patience de Dieu…

Amen !

PAM

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(1)Traditionnellement, la vigne symbolise le peuple d’Israël. Voir entre autres le Psaume 79, 9; Osée 10, 1; Jérémie 2, 21. Le figuier planté dans la vigne représente ici les disciples du Christ.
(2) Le récit de la Passion présente sommairement Pilate comme un homme manipulé par Caïphe, et qui n’a donc pas condamné Jésus pour insurrection.

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Écouter Dieu dans les consolations comme les désolations

2° dimanche de carême

La transfiguration du Christ sur le mont Thabor est célébrée quarante jours avant l’Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre), pour « préparer le cœur des disciples de Jésus à surmonter le scandale de la croix ».

Que nous vivions un moment d’illumination et de consolation en présence du Christ, vrai Dieu et vrai homme, ou que nous ne percevions plus que son humanité et son visage de souffrance,

  • il nous reste cependant à l’écouter sur la montagne de nos enthousiasmes comme dans les plaines de nos découragements ;
  • il nous reste à l’entendre dans les années de gloire de l’Eglise comme dans les jours sombres de cette même Eglise hier et aujourd’hui.

Alors reprenons inlassablement les évangiles sous la conduite de l’Esprit pour les ruminer dans le saint des saints de notre cœur, et y entendre la Parole du Fils bien-aimé.

 Entendre la parole

Dans les visions racontées par la Bible, ce qui est vu prépare ce qui est entendu. Moïse voit le buisson ardent et alors la voix divine lui donne une mission.

La Transfiguration du Seigneur avec toute sa lumière éblouissante vient éclairer le message de la voix céleste : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »

Déjà, au moment de son baptême par Jean, Jésus avait été identifié par la voix céleste comme le Fils bien-aimé. Mais ici, il y a une insistance nouvelle : « écoutez-le« .

Le temps de la Passion approche, temps de ténèbres. Les disciples ne pourront plus compter que sur leur confiance en leur maître.

Jésus a annoncé à ses disciples sa Passion.

Puis il les mène sur la montagne où ils le voient transfiguré : il leur manifeste sa splendeur pour qu’ils saisissent que sa Passion le conduira à la gloire de la Résurrection.

La voix qui se fait entendre du ciel confirme l’élection accomplie au baptême et révèle que l’amour du Père accompagne l’itinéraire de Jésus.

« Écoutez-le » ajoute-t-elle, comme pour signifier aux disciples qu’il leur faut accepter de renoncer à l’idée d’un Messie tout-puissant.

La gloire que Jésus connaîtra n’est pas une récompense ou un couronnement après l’épreuve, mais une gloire déjà présente mystérieusement dans la traversée des souffrances.

En dépit des apparences, le Père reste présent, comme le manifestent le rayonnement de la gloire et le témoignage sorti de la nuée.

Ce que je crois :

·         Les chrétiens sont dans l’espérance de la venue éclatante de Jésus mais, en attendant, ils lui font confiance et l’écoutent, ils l’écoutent en étant présents au monde d’aujourd’hui.
C’est une écoute attentive et active.
·         Ecouter activement est difficile, cela va à l’encontre de nos habitudes ; de nos sécurités.
·         Ecouter implique une réelle disponibilité à la parole de l’Autre à travers les signes des Temps d’aujourd’hui dans notre monde en pleine mutation, un monde d’une parole libéré, un monde où rien de ne reste caché, un monde où tout s’éclaire, mais un monde où nous sommes « victime » et « bourreau » .

 

Ils virent la Gloire de Jésus

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le. »

Autant dire que le temps de la claire vision n’est pas encore venu, même si nos yeux s’entrouvrent parfois sur les mystères glorieux du Christ.

Apprenons donc

  • à « aimer Jésus Christ sans l’avoir vu » ;
  • à « croire en lui sans le voir encore » (1 P 1,8) ;
  • à l’écouter comme « celui qui a les paroles de la vie éternelle » (Jn 6).
En ce sens, pourquoi ne pas relire un évangile en entier, pour recevoir les enseignements du Christ comme une parole de grâce qui nous est personnellement adressée ?

 

Son départ

Dans le récit de la Transfiguration, Luc précise en une annotation qui lui est propre : « ils parlaient de son départ (littéralement : « exode ») qui allait se réaliser à Jérusalem ».

L’expression « exode » annonce à la fois le début de la montée à Jérusalem et la mort de Jésus, le départ étant une métaphore de la mort.

Présenté aux côtés des prophètes, Jésus connaîtra leur sort : il sera rejeté et mis à mort.

Le terme fait également référence au récit fondateur de la sortie d’Égypte et du passage à travers la mer et la mort vers la liberté et la terre promise.

Jésus va reprendre à son compte ce qu’a vécu Israël, s’inscrire dans la continuité de l’histoire du salut et lui donner une dimension inouïe ; car celui qui fait exode vers Jérusalem pour traverser la mort est déjà du côté de Dieu, dans la gloire. La nécessité de s’inscrire dans notre histoire comme Jésus, c’est aussi un départ permanent.

« Celui qui fait exode vers Jérusalem pour traverser la mort est déjà du côté de Dieu, dans la gloire »

Cette expression est très significative pour moi. En ce moment historique particulier, l’Église est appelée à prendre toujours davantage conscience qu’elle est « la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie pénible » et pécheresse (Ex. ap. Evangelii gaudium, 47).

 

Ce que je crois :
  • L’Eglise se doit d’être toujours « en exode », d’être une Église qui sort en permanence, « communauté évangélisatrice […] qui sait prendre sans peur l’initiative, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux carrefours des routes pour inviter les exclus » (ibid., 24), des victimes de la plaie de la pédophilie, victimes de nos silences d’un autre temps, des silences coupables.
  • Être transfiguré, c’est accepter
    • d’élever le regard et de regarder « dehors »,
    • de regarder aussi le «dedans » de notre monde,
    • de regarder
      • tous ceux qui sont « loin » dans notre monde,
      • toutes les familles en difficulté et qui ont besoin de miséricorde,
      • tous les champs d’apostolat encore inexplorés, les champs parfois hors des structures d’Eglise,
      • tous les laïcs au cœur bon et généreux qui mettraient volontiers leurs énergies, leur temps et leurs capacités au service.

Si la Transfiguration fortifie notre foi et nourrit notre espérance, je crois qu’Être transfiguré avec Jésus,

  •   c’est simplement être profondément humain pour « être présent au présent » ;
  •   Et, « être présent au présent », c’est habiter son histoire
  • « Habiter son histoire », c’est d’abord se mettre à l’écoute de ce que l’on ressent, ce qui se vit, ce que nous vivons, puis le nommer (le négatif comme le positif).

Cela nous permet de nous connecter à la réalité présente (via les sensations), de comprendre ce qui nous arrive (via les émotions).

Cela nous permet également d’élaborer une réflexion, des projets, à partir de nos besoins et de nos désirs.

Cela nous permet enfin de vivre sereinement « nos consolations et nos désolations », « nos doutes et nos certitudes », notre « clair-obscur » existentiel.

Aubin MOUYOULA

 

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 1°dimanche de carême

En ce premier dimanche de Carême, Jésus nous invite à faire silence : ce temps nous est offert dans le secret de nos cœurs, pour mettre chaque jour Dieu un peu plus à la première place.

Prendre le chemin du désert… aller à la rencontre de Dieu dans l’ordinaire de nos routes humaines ! Comme Jésus conduits par L’esprit Saint, avançons pendant ces quarante jours dans la confiance et la grâce de l’amour de Dieu Notre Père.

Avec l’extrait du deutéronome celui de Luc…ENTRÉE DANS L’ALLIANCE pour connaitre l’humanité de Dieu. Dans le Livre du Deutéronome, Moïse fait le récit de la naissance du peuple d’Israël. Engendré de l’Exode, et de sa sorte d’Egypte. Il ne s’agit pas de se souvenir simplement, comme si le salut appartenait au passé : le récit des hauts faits de Dieu signifie la confiance du peuple envers son Dieu, un Dieu toujours présent, aujourd’hui comme il l’était hier pour les pères.  L’évocation du pays « où coulent le miel et le lait » (aliments reçus sans un travail considérable), suggère que tous les biens que nous pouvons produire sont avant tout le résultat d’un don de Dieu, de la grâce. L’événement est le point de départ d’une nouvelle relation avec son Dieu, lieu de l’expérience de la liberté. (Deut. 26,4-10)

L’Évangile (Luc 4,1-13) annonce le nouvel exode, le drame pascal qui se jouera à Jérusalem, où Jésus va affronter la mort. Jésus se montre proche de l’homme comme en témoigne le récit des tentations. Elles manifestent les tendances profondes de l’homme qui risque sans cesse de se replier sur lui-même ;

  • Tentation de la satisfaction immédiate et unique des besoins corporels,
  • Tentation de la toute-puissance et de la domination,
  • Tentation de récupérer Dieu pour assouvir ses besoins.

A chacune d’elles, Jésus cite l’écriture, il nous montre le Père. En Jésus le Christ, l’homme est éprouvé : dans la tentation, il s’appuie sur la révélation de la Parole. Il lui demande de devenir cet homme, conduit par l’esprit, cet homme qui par sa mort, ira jusqu’au bout de l’amour. Il s’inscrit dans la dimension d’une Alliance, où nous aussi sommes invités à entrer et nous y maintenir.

Jésus éprouvé et victorieux, nous révèle que notre liberté pécheresse, tentée de briser l’alliance, est aussi liberté en devenir, sous l’action de la grâce. C’est dans le désert de l’épreuve, l’espace où nous mesurons l’écart entre nos désirs et le désir de Dieu sur nous, que le Christ nous appelle à le suivre.

La loi filiale de la liberté s’inscrit dans une triple reconnaissance :

  • Seul le Père est source de vie ;
  • Son pourvoir est amour et pardon ;
  • Notre vérité humaine est dans la relation filiale et la ressemblance au Fils du Père, en qui nous avons l’assurance de notre salut.

Engagés dans la dynamique d’une espérance absolue, préparons-nous, par une lente purification, à l’option décisive de vivre notre condition humaine comme lieu de notre vocation filiale. Dieu très bon, tu nous attends au désert existentiel de notre monde. Accorde à chacun de tes enfants la joie de ton pardon et que dans ta paix, nous marchions vers la vie éternelle.

Amen !

Aubin P. MOUYOULA,

Juriste et Anthropologue

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