Transfiguration

Écouter Dieu dans les consolations comme les désolations

2° dimanche de carême

La transfiguration du Christ sur le mont Thabor est célébrée quarante jours avant l’Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre), pour « préparer le cœur des disciples de Jésus à surmonter le scandale de la croix ».

Que nous vivions un moment d’illumination et de consolation en présence du Christ, vrai Dieu et vrai homme, ou que nous ne percevions plus que son humanité et son visage de souffrance,

  • il nous reste cependant à l’écouter sur la montagne de nos enthousiasmes comme dans les plaines de nos découragements ;
  • il nous reste à l’entendre dans les années de gloire de l’Eglise comme dans les jours sombres de cette même Eglise hier et aujourd’hui.

Alors reprenons inlassablement les évangiles sous la conduite de l’Esprit pour les ruminer dans le saint des saints de notre cœur, et y entendre la Parole du Fils bien-aimé.

 Entendre la parole

Dans les visions racontées par la Bible, ce qui est vu prépare ce qui est entendu. Moïse voit le buisson ardent et alors la voix divine lui donne une mission.

La Transfiguration du Seigneur avec toute sa lumière éblouissante vient éclairer le message de la voix céleste : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »

Déjà, au moment de son baptême par Jean, Jésus avait été identifié par la voix céleste comme le Fils bien-aimé. Mais ici, il y a une insistance nouvelle : « écoutez-le« .

Le temps de la Passion approche, temps de ténèbres. Les disciples ne pourront plus compter que sur leur confiance en leur maître.

Jésus a annoncé à ses disciples sa Passion.

Puis il les mène sur la montagne où ils le voient transfiguré : il leur manifeste sa splendeur pour qu’ils saisissent que sa Passion le conduira à la gloire de la Résurrection.

La voix qui se fait entendre du ciel confirme l’élection accomplie au baptême et révèle que l’amour du Père accompagne l’itinéraire de Jésus.

« Écoutez-le » ajoute-t-elle, comme pour signifier aux disciples qu’il leur faut accepter de renoncer à l’idée d’un Messie tout-puissant.

La gloire que Jésus connaîtra n’est pas une récompense ou un couronnement après l’épreuve, mais une gloire déjà présente mystérieusement dans la traversée des souffrances.

En dépit des apparences, le Père reste présent, comme le manifestent le rayonnement de la gloire et le témoignage sorti de la nuée.

Ce que je crois :

·         Les chrétiens sont dans l’espérance de la venue éclatante de Jésus mais, en attendant, ils lui font confiance et l’écoutent, ils l’écoutent en étant présents au monde d’aujourd’hui.
C’est une écoute attentive et active.
·         Ecouter activement est difficile, cela va à l’encontre de nos habitudes ; de nos sécurités.
·         Ecouter implique une réelle disponibilité à la parole de l’Autre à travers les signes des Temps d’aujourd’hui dans notre monde en pleine mutation, un monde d’une parole libéré, un monde où rien de ne reste caché, un monde où tout s’éclaire, mais un monde où nous sommes « victime » et « bourreau » .

 

Ils virent la Gloire de Jésus

« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le. »

Autant dire que le temps de la claire vision n’est pas encore venu, même si nos yeux s’entrouvrent parfois sur les mystères glorieux du Christ.

Apprenons donc

  • à « aimer Jésus Christ sans l’avoir vu » ;
  • à « croire en lui sans le voir encore » (1 P 1,8) ;
  • à l’écouter comme « celui qui a les paroles de la vie éternelle » (Jn 6).
En ce sens, pourquoi ne pas relire un évangile en entier, pour recevoir les enseignements du Christ comme une parole de grâce qui nous est personnellement adressée ?

 

Son départ

Dans le récit de la Transfiguration, Luc précise en une annotation qui lui est propre : « ils parlaient de son départ (littéralement : « exode ») qui allait se réaliser à Jérusalem ».

L’expression « exode » annonce à la fois le début de la montée à Jérusalem et la mort de Jésus, le départ étant une métaphore de la mort.

Présenté aux côtés des prophètes, Jésus connaîtra leur sort : il sera rejeté et mis à mort.

Le terme fait également référence au récit fondateur de la sortie d’Égypte et du passage à travers la mer et la mort vers la liberté et la terre promise.

Jésus va reprendre à son compte ce qu’a vécu Israël, s’inscrire dans la continuité de l’histoire du salut et lui donner une dimension inouïe ; car celui qui fait exode vers Jérusalem pour traverser la mort est déjà du côté de Dieu, dans la gloire. La nécessité de s’inscrire dans notre histoire comme Jésus, c’est aussi un départ permanent.

« Celui qui fait exode vers Jérusalem pour traverser la mort est déjà du côté de Dieu, dans la gloire »

Cette expression est très significative pour moi. En ce moment historique particulier, l’Église est appelée à prendre toujours davantage conscience qu’elle est « la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie pénible » et pécheresse (Ex. ap. Evangelii gaudium, 47).

 

Ce que je crois :
  • L’Eglise se doit d’être toujours « en exode », d’être une Église qui sort en permanence, « communauté évangélisatrice […] qui sait prendre sans peur l’initiative, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux carrefours des routes pour inviter les exclus » (ibid., 24), des victimes de la plaie de la pédophilie, victimes de nos silences d’un autre temps, des silences coupables.
  • Être transfiguré, c’est accepter
    • d’élever le regard et de regarder « dehors »,
    • de regarder aussi le «dedans » de notre monde,
    • de regarder
      • tous ceux qui sont « loin » dans notre monde,
      • toutes les familles en difficulté et qui ont besoin de miséricorde,
      • tous les champs d’apostolat encore inexplorés, les champs parfois hors des structures d’Eglise,
      • tous les laïcs au cœur bon et généreux qui mettraient volontiers leurs énergies, leur temps et leurs capacités au service.

Si la Transfiguration fortifie notre foi et nourrit notre espérance, je crois qu’Être transfiguré avec Jésus,

  •   c’est simplement être profondément humain pour « être présent au présent » ;
  •   Et, « être présent au présent », c’est habiter son histoire
  • « Habiter son histoire », c’est d’abord se mettre à l’écoute de ce que l’on ressent, ce qui se vit, ce que nous vivons, puis le nommer (le négatif comme le positif).

Cela nous permet de nous connecter à la réalité présente (via les sensations), de comprendre ce qui nous arrive (via les émotions).

Cela nous permet également d’élaborer une réflexion, des projets, à partir de nos besoins et de nos désirs.

Cela nous permet enfin de vivre sereinement « nos consolations et nos désolations », « nos doutes et nos certitudes », notre « clair-obscur » existentiel.

Aubin MOUYOULA

 

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